Sur les traces d'un poilu aiglon... suite et fin
Sur les traces d'un poilu aiglon ...
Eugène DESNOS
1878 - 1915
Une histoire écrite et illustrée par les élèves de CM1
Classe de Mme Rey
Ecole Victor Hugo de L'Aigle
Murat Aydemir, Patricia Besnier, Pauline Cachard, Benjamin Chandebois, Cynthia Chollet, Nicolas Corbin, Ezgi Demiray, Kenneth Dutrait, Samia El Fahmi, Anouar El Harras, Anthony Fougeroux, Marie Gibory, Loric Guiot, Eda Killic, Killian Lassale, Pierre Lechat-Bernard, Damien Lemaître, Elsa Lenain, Salomé Martin, Aline Richard, Karl Rocha, Bunyemin Saltas, Amanda Sureau, Seren Yildiz.
26 avril 1878 ,
Ce matin , à 3 h 30, j'ai pointé le petit bout de mon nez au "Friche D'Aspres ", commune de la Chapelle Viel, chez ma grand - mère maternelle : Marie Monique Guizier . Ma mère était venue chez elle pour se reposer avant ma naissance.
Maman, c'est Félicie Maria Fouilleul . Elle a 25 ans . Elle est gantière .
Mon père c'est Jacques Etienne Desnos . Il a 29 ans . Il est jardinier .
Dans la matinée , vers 10 h , il a quitté la maison pour aller à la mairie . Il était accompagné du cafetier du coin, Louis Victor Michel Ménager , 40 ans et du charron Pierre Jacques Guillemain , 48 ans .
Ce sont les témoins de ma naissance . Il ont signé le registre d'état civil avec mon père et le maire : Pierre Jacques Rondel.
15 novembre 1899,
J'arrive au service militaire.
Je suis un simple soldat. On m'a mis dans le 104 ème régiment d'infanterie.Je m'entraîne à faire la guerre ; j'espère que je n'aurai jamais à la faire un jour.
20 septembre 1902,
Cela fait presque trois ans que je suis là. Mon service se termine enfin.
On m'envoie en congé en attendant mon passage dans la réserve.
On m'accorde un certificat de bonne conduite.
Je suis bien content de rentrer à la maison !
8 juillet 1905,
Aujourd'hui, c'est le grand jour. A 10 h, je me marie !
Il y a quelques temps, je suis tombé amoureux d' une charmante jeune fille : Henriette Emilienne Pousset.Elle habite depuis peu à St-Sulpice sur Rille. Elle a 21 ans.
Elle travaille dans une usine comme moi. Le mariage a lieu à Moulins la Marche car c'est son village natal.
Toute la famille est là pour la cérémonie.
Le père d'Henriette s'appelle François, Ferdinand Pousset. IL est peintre. Il a 59 ans.Sa mère se nomme Marie Clémentine Bois. Elle est sans profession. Elle est âgée de 57 ans.
Malheureusement, mes parents n' assisteront au mariage : ma mère est morte le 13 janvier 1901 et mon père a disparu, je ne sais pas où il se trouve .
Nous avons choisi 4 témoins qui vont signer l'acte de mariage avec Pierre Desclos, le maire :
Jules Peltier, journalier, 29 ans de St Sulpice.
Armand Peltier, journalier, 27 ans de Crulai.
Onésime Guillemin, Charron, 45 ans de St Martin d'Aspres.
Henri Hazé, propriétaire, 34 ans de St Ouen de Sécherouvre.
Ma petite famille habite rue St Barthélémy à Laigle.
Elle s'agrandit peu à peu...
27 août 1906, naissance d'Eugène.
23 avril 1908, arrivée de la petite Irène.
1910, venue au monde de Bernard.
23 mai 1912, notre petit dernier s'appelle Gabriel.
2 août 1914 ,
Les cloches ont sonné à toute volée. La guerre est déclarée. L' ordre de mobilisation est affiché à la mairie pour prévenir les hommes qu' ils doivent partir dans leur caserne .
3 août 1914 , C'est le départ. Je dois rejoindre mon régiment. Je vais faire mon devoir. Il y a beaucoup de monde à la gare. Ma femme et mes enfants sont là. Ils ont voulu m'accompagner. Un dernier baiser sur le quai et… je dois parti
Nous sommes arrivés, près du front, par la " Voie Sacrée " dans des camions. Il y a beaucoup de va et vient pour acheminer les soldats, les armes et la nourrit. On s'est arrêté à une vingtaine de kilomètres à cause des canons allemands à tir rapide qui ont des effets dévastateurs.Puis nous sommes partis à pied pour rejoindre le lieu des combat.Je suis fatigué car nous portons un paquetage très lourd sur le dos. Très vite nous sommes obligés de prendre notre pelle pour creuser un trou où se réfugier. Nous nouscachons derrière le tas de terre.On est nombreux. J'espère qu'on va vite gagner cette guerre et rentrer chez nous ! Ici, nous, les plus vieux, on nous appelle les" pépères territoriaux "On était là pour faire des travaux et remettre, par exemple, des cailloux dans les trous de la Voie Sacrée. Mais,très vite, on nous a mis un fusil dans les mains et nous sommes partis au combat.
La vie dans les tranchées est vraiment pénible.On est couvert de boue. Il pleut depuis des jours, c'est très humide. On s'enfonce dans la gadoue. Avec quelques camarades, on a mis des bouts de bois au fond des tranchées. Les boyaux ( petits chemins pour arriver aux tranchées ) sont impraticables.On vit avec les rats et la vermine. Nos vêtements sont pleins de puces et de poux. Il faut les écraser ! On ne se lave pas beaucoup.L'eau est précieuse. Elle sert pour boire. On ne se rase plus. Notre barbe pousse un peu plus chaque jour... On a des drôles de têtes !Quand il n'y a pas d'attaques, parfois on s'ennuie. Alors on fume la pipe. On n'a pas le droit à la cigarette car ça se voit trop à cause du bout rouge.Nous passons le temps en fabriquant des objets avec des douilles d'obus en cuivre : des pots pour fleurs, des bagues et d'autres choses. On fait aussi des cannes ou d'autres objets pour avoir des souvenirs de la guerre .
Les repas.
Je n’en peux plus de vivre comme ça ! On mange toujours les mêmes choses. C’est souvent froid et mauvais.En cours de route les gamelles de soupe se renversent. Le pain est dur.Heureusement que le cuistot de la "roulante " nous apporte des nouvelles. On nous donne beaucoup de vin à boire… C'est pour qu’on ne voie pas le danger !
12 mars 1915,
Aujourd'hui j'ai reçu une lettre de ma chère femme. C'est très important d'avoir des nouvelles de la famille, ça donne du courage pour résister à tout ce qu'on vit d'affreux ici. Henriette me dit qu'elle va bien, les enfants aussi.A Laigle tout est calme.Elle m'a envoyé des chaussettes chaudes et un pull en laine qu'elle a tricotés. Je suis très content car je souffre de froid. Il y a aussi des boîtes de pâté dans le colis : ça me fait très plaisir. Je n'en ai pas mangé depuis une éternité ! Ca me changera de la " bonne" soupe ! Ses lettres sont mes trésors. A chaque fois que j'en reçois une, je la range précieusement dans ma petite sacoche. Je les relis à chaque fois que je peux. Elles sont toutes usées...
20 juin 1915, Châtillon-sous-les-côtes,
Je sors de la galerie où je suis arrivé la veille quand soudain retentit une terrible explosion .Peut être l' explosion d'une " sape ", une de ces galeries qu'on creuse sous la terre pour surprendre les ennemis tout près…Une douleur terrible à la tête... un éclat d'obus m'a atteint à la tempe droite, je tombe par terre.Deux de mes compagnons me tirent vers l'arrière. On me met sur un brancard et on m'emmène à travers les boyaux…
Plus tard, ... le bruit d'un camion : je suis évacué vers l'hôpital. Du sang coule sur mon visage. J'ai très mal à la tête. J'entends des voix de femmes, je vois du blanc.Plein de blessés qui gémissent à cause de leurs plaies douloureuses, qui demandent de l'aide…Je ne vois plus rien…Je sens que je vais m'endormir..
21 juin 1915,
...
Visite à Verdun.
Avec mes parents, je suis allé à Verdun dans le cimetière du" Faubourg Pavé" pour rechercher la tombe d'Eugène Desnos.Ce cimetière à l'entrée des champs de bataille comporte 5 000 tombes.
Au milieu du cimetière se trouve une croix géante et autour 7 tombes : celles des soldats inconnus qui n'ont pas été choisis pour aller sous l'Arc de Triomphe à Paris .
Juste en face : une rangée de tombes , environ au milieu, une tombe , celle que nous cherchons …
Eugène Desnos
31 ème régiment
mort pour la France le 21 juin 1915
J'ai posé une coquille de noix sur le bout de la croix pour marquer mon passage (parce que ça a un peu la forme d'un casque) et pour rendre hommage à ce soldat. Devant toutes ces tombes, j'étais triste pour tous ces hommes morts pour la France. Mais encore plus devant celle d'Eugène Desnos ,car j'ai l'impression de le connaître un peu .J'ai écrit une carte à mes camarades de classe pour leur dire ce que j'ai ressenti.
Pierre, 9 ans. ( CM1 - classe de Mme Rey )
Un grand merci pour leur précieuse collaboration à :
Mr Duprez, directeur de l'ONAC
Magali Ozouf-Beuchet, Déléguée à la mémoire combattante
Patrick Birée, Professeur des écoles, détaché aux archives de l'Orne
Philippe Subileau, Directeur de l'école Victor Hugo
Dominique Charles, Professeur des écoles à l'école Victor Hugo
et au personnel du service patrimoine de la Mairie de l'Aigle.